9 juin : Charles Dickens, romancier de l'injustice sociale

Publié le par Philippe PELTIER

Le 9 juin 1870 décède un des plus grands écrivains anglais. Lorsque qu'un papa annonce à son fils le décès de cet homme. Ce jeune dit à son père « Alors, papa, le père Noël est mort aussi ». Non, le père Noël n'est pas mort. Il existera toujours pour toutes les personnes qui ont gardé leur âme d'enfant, pour tous ceux qui aime la magie qui entoure le Père Noël et enfin pour tous les grands cœurs qui sont munis de cette croyance chaleureuse réconfortante qui fait du bien sans faire grand mal. Non, heureusement, les joies de noël ne sont pas terminées. Cependant, l'enfant assimile la mort du romancier à la mort du père noël car ce romancier incarne par ses contes, ses romans ou ses actions à la fois l'esprit de noël et celui de la lutte contre l’injustice sociale. Cet écrivain était si célèbre et talentueux, que trois jours après sa mort, le Time demandait son inhumation à Westminster Abbey (en France c'est le Panthéon).

Cet homme se nomme Charles Dickens. Vous le connaissez, j'en suis certain!!! Le drôle de Noël de Scrooge, Oliver Twist, les Aventures de Monsieur Pickwick ainsi que David Copperfield c'est lui. A propos de cette dernière œuvre, elle est fortement inspirée par sa vie. C'est cette dernière que je vous propose de voir ensemble.

9 juin : Charles Dickens, romancier de l'injustice sociale

Un début d'enfance heureuse mais un drame qui change tout et le marquera à vie

Un soir de 1824, un petit garçon traverse les rues de Londres. Ces rues sont sombres, froides et pleines de brumes. Le petit garçon, blond aux yeux bleus, vêtu avec des habits râpés est heureux de rentrer à la maison. Si dans cette dernière, il y règne la misère, il y a tout de même sa famille et surtout son père qu'il adore. Mais ce soir là ne sera pas comme les autres soirs. Arrivé à la maison, il trouve toute la famille en larmes. Toute non ! La police est venue chercher son papa pour l'emmener en prison car il est incapable n'honorer ses dettes. C'est ainsi que Charles Dickens a sombré dans la pire des détresses. Ce traumatisme marquera toute son œuvre.

Mais qui est Charles Dickens d'où vient-il ?

Et bien, il est né très exactement le 7 février 1812, à Portsmouth qui est un port du sud de l'Angleterre. Son père, John Dickens, était commis à la trésorerie de la marine. Il était donc ouvrier d'un rang moyen, à l'époque, c'était toute de même un petit bourgeois. John Dickens si vous lisez les œuvres de Charles, vous le connaissez bien. Il est partout dans ses romans. C'est un personnage qui présente bien, qui a de l'allure qui parle bien, qui raconte de belle histoire, qui aime recevoir des amis mais John Dicken c'est également un monsieur qui dépense beaucoup plus que ce qu'il ne gagne. Dans «David Copperfield», l'incarnation de son père, le personnage de M. Micawber dit ces mots à David Copperfield :

« Revenu annuel, vingt livres sterling ; dépense annuelle, dix-neuf livres, dix-neuf shillings, six pence ; résultat : bonheur.

Revenu annuel, vingt livres sterling ; dépense annuelle, vingt livres six pence ; résultat : misère. La fleur est flétrie, la feuille tombe, le Dieu du jour disparaît, et… en un mot, vous êtes à jamais enfoncé comme moi ! ».

David Copperfied et Monsieur Micawber

David Copperfied et Monsieur Micawber

C'est dans ces conditions que Charles va vivre. Le problème, c'est l'argent. Il s'en suit une douce descente aux enfers ; déménagement dans des maisons plus petites et un train de vie qui se restreint… Il est tout même très heureux. C'est en particulier vrai lorsqu'il habite à Chatham. A la maison, son père raconte de belles histoires, lui même réalise des petits spectacles pour la famille révélant par là même son goût pour le théâtre, l'écriture. Et puis, il y a aussi les promenades avec son père qu'il adore. C'est au cours d'une d'entre elle, qu'il voit une jolie maison. Il annonce à son père qu'il aimerait avoir cette maison quand il sera grand. Son père, comme tout bon père, lui dit que s'il travaille et qu'il fait des économies (faites ce que je dis mais pas ce que je fais), il pourra acheter cette maison. En 1856, Charles Dickens achètera le « Hill Place de Gad ».

Hill Place Gad
Hill Place Gad

Hill Place Gad

On est donc heureux, Charles se souviendra toujours des noëls en famille autour de la dinde, du feu qui illumine la pièce, des rires et de la joie partagée par tous. Ça c'est l'enfance de Charles, la belle enfance de Dickens !!

Cela ne dure pas car les créanciers sont nombreux. Pour échapper à cela la famille part à Londres laissant Charles seul à Chatham dans l'école. C'est une bonne école et Charles est tout de même heureux car il s'entend bien avec son professeur et travaille bien mais il est seul. Dans «le noël de Scrooge», Charles nous décrit ce sentiment.

Lorsque le premier fantôme, celui des Noëls passé, amène le vieux Scrooge dans l'école de son enfance. Il en reconnaît alors les odeurs, en ressent les souffrances de la solitude.

9 juin : Charles Dickens, romancier de l'injustice sociale

Il restera à l'école jusqu'à l'âge de 11 ans. Mais la joie de retourner auprès de sa famille va vite se transformer en inquiétude. Ses parents habitent dans un quartier misérable. Lui qui a connu, la campagne, les paysans, les marins du port, il est soudain au milieu de l'horreur. Les gens sont sales et miséreux. Ils vivent à deux familles dans une seule pièce. Dans le quartier, il n'y a pas d'égout. Les déchets ruissellent au milieu des rues infestées de rats. L'odeur y est nauséabonde. Bref, il est en enfer.

Six mois plus tard (au début 1824), un deuxième enfer l'attend. Pour survenir au besoin de la famille, Charles entre à la manufacture Warren's Blacking Factory, un entrepôt de cirage. Il doit coller des étiquettes sur des flacons dix heures par jour, pour six shillings par semaine. Cet entrepôt est situé à Hungerford Stairs au bord de la Tamise. C'est un cadre abominable pour Charles qui est un enfant encore sensible. Il est est de même pour son entourage professionnel. À cette époque, en Angleterre, il y a un prolétariat qui est la classe ouvrière traditionnelle mais il y a aussi un sous-prolétariat qui est à mi-chemin entre le vagabondage, la misère et le crime. C'est ce milieu inconnu que travaille Charles. Ce milieu que l'on retrouvera dans beaucoup de livre de Dickens.

C'est donc en rentrant de ce travail écrasant que le petit Charles va connaître l'ultime humiliation que je vous ai raconté au début de ce chapitre.

Ultime que dis-je ? Il y en aura une autre importante car toute la famille, sans lui, va rejoindre le père à la prison. À l'époque victorienne cela était possible et même fréquent. À la prison, on y était nourri et logé. Le comble de l'histoire, c'est que sa propre mère s'apposera à ce que Charles quitte la manufacture. La famille est sortie de prison à la suite d'un héritage mais malgré cela il dut travailler encore plus de dix mois à la fabrique avant de pouvoir retourner à l'école. Dickens ne pardonna jamais à sa mère d'avoir essayé de le faire rester à la fabrique, et plus tard, la prit comme modèle pour la mère stupide et vaniteuse.

Elizabeth Dickens sa mère

Elizabeth Dickens sa mère

De la misère à la fortune mais un cœur toujours meurtri.

En 1825, Charles retrouve l'école à la Wellington School Academy de Hampstead Road. L'enseignement proposé est de qualité médiocre. Il y souffre de la brutalité sadique du directeur de l'école. Cependant, il étudie quelques deux ans et obtient le prix de latin.

En 1827, il entre dans la vie active, comme clerc dans un cabinet d'avocats. Son travail n'est pas attrayant mais ses allers et retours dans Londres lui permettent de voir et d'enregistrer ces personnages, ces ambiances, ces scènes de rue, pas toujours drôles d'ailleurs. Il saura mettre à profit tout cela dans son œuvre.

Au bout de deux ans, il en a assez et il apprends, comme son père qui est maintenant sténographe pour les débats parlementaires, la sténographie selon la méthode Gurney, décrite dans David Copperfield comme « ce sauvage mystère sténographique ». Il est embauché alors comme de reporter sténographe indépendant à Doctors' Commons. Au cours des quatre années qui suivent, il se forge une solide réputation, passant bientôt pour l'un des meilleurs reporters, ce qui lui vaut d'être embauché à temps plein par le Morning Chronicle. Là, il commence à se faire un nom. Il n'est pas célèbre mais est connu comme journaliste. Mais il a envie d'aller plus loin, ce qu'il écrit en temps que journaliste, c'est déjà des scène, des histoires de la vie. Alors il écrit, il dépeint un quartier de Londres, la vie de ce quartier qu'il a vu. Il envoie sa nouvelle au « Monthly Magazine » et attends. Sa nouvelle est publiée. Six numéros seront publiés, cinq non signés et le dernier, d'août 1834, sera signé sous le pseudonyme Boz. Les publications de « Boz » dans le « Monthly Magazine », dans le « Morning Chronicle » ou dans « l'Evening Chronicle » rencontrent un grand succès. Ses salaires s'améliorent énormément.

Il doit donc être fier est heureux. Et bien non !! Car il rencontre une belle demoiselle qui se nomme Maria Beadnell. Son père est commis principal d'une banque à Mansion House. C'est un petit bourgeois de Lombard Street, quartier prestigieux de la Cité de Londres.

Charles est très amoureux de Maria. Elle représente à ses yeux l'idéal de la jeune fille. Il lui adresse des lettres enflammées. Mais les parents de la demoiselle n'apprécient guère cette amitié, voire un futur mariage, avec un obscur journaliste. Ils envoient leur fille dans une institution scolaire à Paris. Il lui envoie alors d'autres lettres. Cependant, Maria, peu sensible à son « flot de médiocre poésie », ne prend pas d'engagement et le laisse seul avec son désespoir. Cet amour déçu va le déchirer.

Maria Beadnell

Maria Beadnell

Encore meurtri par cette déception, un soir, un éditeur qui a lui les nouvelles de Boz vient chez lui.

Il lui dit : « Vous connaissez Robert Seymour »

- « Et bien oui le caricaturiste »

- « Lui même, il a eu une idée. Il veut dessiner une histoire sur un club de bourgeois qui se prendrait trop au sérieux. Et je vous propose cher ami, que vous écriviez des textes humoristiques d'après ses dessins. »

Ambitieux et sûr de lui, Dickens lui réponds :

- « Trés bonne idée, j'aime Seymour mais si vous voulez on fait le contraire. Je vous propose d'écrire les histoires et c'est Seymour qui les illustrera. »

L'affaire est conclue. C'est comme ça qu'est né « Pickwick Club » ou « les aventures de monsieur Pickwick » qui vont en quelques semaines donner à Charles Dickens à l'âge de 25 ans la célébrité, la fortune et la gloire.

C'est fois, vous allez me dire « ça y est, il va enfin profiter de sa gloire ». Et bien pas vraiment. Charles Dickens s'est épris de Catherine, la fille aînée de George Hogarth auprès duquel il travaille et dont il fréquente souvent la famille. Dickens l'aime mais n'est pas aussi amoureux d'elle que de Maria Beadnell. Il voit en Catherine une source de réconfort et de repos, une personne vers qui se tourner. Il se marient le 30 mars 1836 en l'église St. Luke's de Chelsea. Le mariage est raisonnablement heureux et les enfants ne tardent pas à arriver : Charles au bout de neuf mois, Mary l'année suivante et Kate en 1839. Il aura dix enfants.
Cependant, Charles se prend d'une véritable idolâtrie pour Mary Scott Hogarth, sa belle sœur, venue en février 1837 s'installer chez les Dickens pour aider sa sœur de nouveau enceinte.
Sa femme est jolie. Elle est pour Charles son image de la féminité mais seulement l'image. C'est une femme enfant, la Dora dans David Coperfield. Mary, elle, elle est intelligente, curieuse. Elle est pour lui une amie intime, une sœur d'exception, une compagne au foyer et bien plus. Il partage beaucoup presque tout avec elle.
Le 6 mai 1837, au retour d'une sortie, Mary est prise d'un violent malaise et meurt, après une nuit d'agonie, dans les bras de Charles. Dickens lui ôte une bague qu'il portera jusqu'à la fin de sa vie. Il prénommera sa première fille « Mary ». Plus tard, il dira à un ami : « Je ne pense pas qu'ait jamais existé un amour tel que celui que je lui ai porté ».

Il ne se remettra jamais de cet événement plus ne sera comme avant. Il ne veut plus écrire. Ce n'est qu’après la réception d'une multitude de lettres lui demandant de poursuivre Pickwick, qu'il prend conscience de son immense popularité et reprend l'écriture de Pickwick et Oliver Twist.

Respectivement Catherine et Mary
Respectivement Catherine et Mary

Respectivement Catherine et Mary

Encore Meurtri, Charles se réfugie dans le travail. Il écris de très nombreux romans. Les succès s'enchaînent. Il gagne énormément d'argent. Il achète de grandes maisons. Il a de nombreux domestiques, des voitures, des chevaux. Il reçu partout. Il voyage au canada, aux États-Unis où il est reçu par le président. Il rencontre Victor Hugo à Paris. Bref c'est la gloire. Et pourtant cette gloire ne fait pas son bonheur. Il cherche toujours l'amour qu'il ne trouve pas.
Une étincelle rejaillit dans son cœur quand il reçoit une lettre de Maria Beadnell, son premier amour. Celle-ci veut le revoir. Alors un rendez-vous est pris. Mais Maria est maintenant une grosse femme et la rencontre tourne au désastre.

Une dernière femme rentrera dans son cœur, il s'agit d'une jeune actrice Ellen Ternan de 16 ans. Il l'aimera énormément, il divorcera sans doute pour elle. Il passera ses dernières années avec elle. Enfin loin car il n'ont jamais habité ensemble. Ils se voient que de temps en temps. Là encore, l'amour était loin d'être réciproque. Elle a joué avec ses sentiments. Elle a déclarer plus tard «Quand je pense au temps passé avec Dickens, il me fait horeur ! »

Professionnellement, il entreprend des lectures publiques de ses œuvres. Ses récitals constituent une part majeure de ses activités. Dickens aime le théâtre et il se trouve être un brillant comédien et les lectures sont un véritable succès. Un témoin de l'époque cite : « sa lecture n'est pas seulement aussi bonne qu'une pièce, elle est meilleure que la plupart d'entre elles, car sa performance d'acteur atteint les sommets ». Il est demandé partout dans le monde. Entre avril 1858 et février 1859, il donne cent-huit représentations. Il en fera bien d'autre jusqu'à l'aube de la mort. Ses spectacles l'épanouissent mais le fatiguent également. Le 9 juin 1870, Dickens s'écroule et meurt.

Ellen Ternan

Ellen Ternan

Conclusion

Il a dit un jour : “Si j'avais le pouvoir d'oublier, j'oublierais. Toute mémoire humaine est chargée de chagrins et de troubles.” . Voulait-il parler des traumatismes de son enfance ou de son malheur en amour, son incapacité à aimer ou être aimé ? Je crois que c'est un peu des deux.

Petits Suppléments :

Dickens n'est pas seulement un écrivain qui dénonce l'exploitation des enfants, des femmes, le snobisme et aveuglement des riches, bref tous les maux de la société Victorienne. C'est également un journaliste qui a écrit de multitudes d'articles pour lutter contre les inégalités sociales. C'est aussi un homme d'action qui s'est investi dans plusieurs associations comme l'Urania Cottage (droits des femmes) et une autres qui s'occupe des enfants malades dans les hôpitaux et une dernière qui réalise des programmes de logements pour les ouvriers.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article