10 juin : Gustave Courbet, martyr de la République

Publié le par Philippe PELTIER

Nous sommes en 1855, une à une les calèches descendent les Champs-Élysées et s’arrête devant l’entrée du Palais. D’élégants messieurs en sortent, offrant la main à leur compagne pour l’aider à descendre de voiture. C'est le jour de l’inauguration du premier Salon de l’Académie, qui se déroule au Palais des Arts et de l’Industrie à l’occasion de la « Grande Exposition universelle de Paris ».

En haut de l’escalier d’honneur, le Salon s’ouvre aux visiteurs. Tous les tableaux qui sont exposés racontent des histoires : des histoires mythologiques, des histoires bibliques, des histoires antiques, des légendes gothiques et des batailles historiques. Il y a tant de soldats casqués dans ces tableaux académiques que les jeunes artistes les ont surnommés les « pompiers ».

Le salon rencontre un énorme succès mais un bruit court au milieu de ces visiteurs. On raconte qu'un deuxième salon est ouvert pas loin de là. On y expose des œuvres d'un jeune peintre. Ses œuvres sont originales, quelque fois choquantes mais ne manquent pas d'intérêt. Cela mérite un petit déplacement.

Mais qui donc a osé troubler cette excellent salon? Ce salon, voulu par l'empereur, honore de France. Qui est donc ce trouble fête ?

Et bien ce trublion s'appelle Gustave Courbet. Refusé au Salon de l’Exposition universelle de 1855, il prit l’initiative audacieuse d’exposer ses œuvres en face du Palais de l’Industrie. Son pavillon a été financé par Alfred Bruyas, qui lui vouait une grande admiration. Cette provocation défraya les chroniques des journaux mais malgré – ou grâce à – ce scandale, Courbet devint le chef de file du mouvement réaliste mais cela je vous en reparlerai plus tard.

Gustave Courbet est né le 10 juin 1819 à Ornans, près de Besançon. C'est un peintre exceptionnel que j'aime beaucoup. Il est donc tout naturel pour moi de vous conter de l'histoire de ce « Fort en gueule », de ce déterminé qui n'a pas hésité pas à bousculer les conventions artistiques, sociétales et politiques, clamant à 20 ans: « On a voulu me forcer et toute ma vie je n'ai rien fait de force ».

Gustave Courbet - Le_Désespéré

Gustave Courbet - Le_Désespéré

La naissance de Gustave Courbet : C'est déjà la polémique !!!

S'il est un peintre qui a suscité des polémiques au XIXième siècle, c'est bien Gustave Courbet! Est-ce un présage ou non ? Mais quoi qu'il en soit, sa naissance donne lieu à une polémique, toute au moins un débat entre historiens. En effet, Jean Désiré Gustave Courbet est né à Ornans le 10 juin 1819 comme le stipule son père, Régis Courbet, lors de sa déclaration à l’état civil, accompagné par des témoins : Louis Régis Hébert, secrétaire de mairie et Georges Saulnier, directeur des postes. Le registre atteste de la naissance de Gustave à Ornans mais sans en préciser le lieu exact. Or c'est ce lieu qui laisse place à la polémique et aux légendes de toutes sortes.

La légende stipule que le futur peintre des paysages francs-comtois serait né sur le chemin entre Flagey et Ornans. Madame Courbet ressentant les premières douleurs se serait dirigée vers Ornans à travers bois. Gustave serait né sous un arbre au lieu dit la Combe Au Rau ce qui expliquerait sa passion pour les lieux de son enfance. Naissance insolite lorsque l’on sait que le père Régis Courbet est un grand propriétaire foncier possédant chevaux et voitures.

Gustave Courbet est-il né dans la ferme familiale à Flagey ou dans la demeure de ses grands-parents maternels, les Oudot, place des Iles Basses (actuelle Place Courbet) ? Un lieu de naissance qui reste inconnu mais qui n’est pas l’Hôtel Hébert que l’on a longtemps considéré comme la maison natale du peintre.

Avec un aménagement de plus de 2000 m2 de surface totale et 21 salles d’exposition permanente et temporaire, le nouveau musée Courbet, propriété du Département du Doubs, s’étend sur trois bâtiments : la maison Borel, l’hôtel Hébert et l’hôtel Champereux. Ces lieux étaient chers à Courbet.

Avec un aménagement de plus de 2000 m2 de surface totale et 21 salles d’exposition permanente et temporaire, le nouveau musée Courbet, propriété du Département du Doubs, s’étend sur trois bâtiments : la maison Borel, l’hôtel Hébert et l’hôtel Champereux. Ces lieux étaient chers à Courbet.

La jeunesse de Gustave Courbet

Gustave Courbet est l'aîné et l'unique garçon d'une fratrie de quatre enfants. Son père est une sorte de bel esprit campagnard, disert, féru d'inventions, de machines agricoles perfectionnées et chercheur d'améliorations agronomiques. Sa mère est une personne de bon sens, simple et bonne. Son grand-père maternel, Jean-Antoine Oudot a été un révolutionnaire convaincu. C'est lui qui inculqua au jeune Gustave ses idées républicaines et anticléricales ; de son père, il hérita la vanité, l'orgueil, le désir de gloire ; l'influence de sa mère jeta dans son âme cette vive sensibilité, cette bonté dont ce violent donna de si nombreux exemples.

En 1831, Régis Courbet mit son fils au petit séminaire d'Ornans. Dès son arrivée au collège, le jeune Gustave se montra turbulent, indiscipliné et paresseux ; il manifesta de bonne heure une aversion très vive à l'endroit du latin, du grec et des mathématiques. Par contre, il se passionna aussitôt pour le dessin dont il apprit les rudiments avec un vieux brave homme de professeur, le «père Beau». En 1837, il entre au collège royal de Besançon afin d’obtenir un baccalauréat général. Il ne sera pas bachelier, il n’a pas le niveau requis en mathématiques, physique et géométrie. Il dit à l'époque : «Je ne puis pas suivre le cours de mathématique de M. Delly, car il est déjà très avancé et je ne puis plus le rattraper.»

Par ailleurs, Courbet s'ennuie à Besançon : on y travaille trop en toute saison ; par surcroît, la nourriture est exécrable ; bref, la vie y serait insupportable si, dans la classe des beaux-arts, ne se trouvait un professeur de dessin, M. Flajoulot, dont il devient immédiatement le meilleur élève. C'est à cette école que Courbet acquit ce dessin ferme, ce trait net, précis, expressif, qui sont la charpente de toutes ses œuvres. Il brosse des toiles de genre, naïves encore, mais qui accusent déjà une personnalité : les Moines de la Chaise-Dieu, une Arcade, puis des paysages d'Ornans et des environs : la Roche du Mont, l'Entrée d'Ornans, la Vallée de la Loue, les Iles de Montgesoye, etc.

A partir de ce moment, ses goûts vont plus que jamais à la peinture. le jeune Courbet rêve d'aller à Paris, pour y compléter son éducation artistique et y conquérir la gloire. Mais comment décider le père Courbet qui voulait que son fils fut polytechnicien ? Hypocritement, il lui témoigne son désir de faire son droit dans la capitale et de s'y créer une situation bourgeoise. Croyant son fils revenu à des idées plus saines, Régis Courbet accorde l'autorisation. En 1839, le jeune peintre part pour Paris plein d'ambition, d'espoir et de courage.

La Loue vers Ornans (1838)

La Loue vers Ornans (1838)

Les débuts de peintre 1839-1848

Courbet a vingt ans lorsqu'il arrive à Paris pour s'inscrire à la faculté de droit. Le jeune homme se détourne bien vite de cette voie et préfère fréquenter les ateliers de Steuben et du père Suisse. Sa vie est bien modeste, souvent précaire, mais qu'il est résolu à supporter bravement. Il habite dans un piètre chambre de 22 francs par mois ; le mobilier se compose d'un lit, d'une commode, d'une table et de quelques chaises. Courbet, le matin, mange du pain dans sa chambre et il ne fait qu'un repas à cinq heures, après avoir travaillé tout le jour. Enfoui de rêves, il est venu pour travailler, pour triompher et organise sa vie.

Pour parfaire sa technique, il copie les maîtres du Louvre comme Rembrandt, Hals, Rubens, Caravage ou Titien. Dans la "galerie espagnole" de Louis-Philippe, il découvre Vélasquez ou Zurbaran qu'affectionnera également Manet. Parmi ses concitoyens, Courbet admire Géricault et Delacroix, deux maîtres romantiques qui utilisèrent les grands formats pour peindre des épisodes de l'histoire contemporaine. Pendant cette période, il se cherche encore. Il commence à se peindre lui-même dans la plupart de ses tableaux. Il est peu d'œuvres de lui, comportant des personnages, où ne se trouve sa propre image, traitée d'ailleurs avec une évidente complaisance comme si, conscient du fait que la société parisienne ne l'attend pas, il devait montrer qu'il existe en se mettant en scène. Il faut dire qu'il est plein d'ambition. Il écrit à ses parents « Je veux tout ou rien, il faut qu’avant cinq ans, j’ai un nom dans Paris ».

Au Salon de 1845, Courbet présente cinq tableaux, dont un seul, le Guittarrero, est reçu. Trop heureux de ce nouveau succès, il ne se plaint pas du rejet des quatre autres toiles; il regrette seulement que le jury ait fixé son choix sur celle qui, à ses yeux, est la moins bonne. J'ai employé le terme « seulement », car les années suivantes les regrets vont se transformer en fureurs. En effet, sur les 8 tableaux qu'il présente au Salon de 1846, un seul est reçu : le Portrait de M. » (son propre portrait). Devant cet ostracisme, Courbet éclate ; il appelle les membres du jury, « un tas de vieux imbéciles ». L'année suivante, c'est pis encore : tous ses tableaux sont refusés. L'hostilité contre sa manière de peindre et son caractère sulfureux s'affirme nettement. Pourtant, il est dommage d'avoir rejeté « l'Homme à la pipe », ce vigoureux et magistral portrait où se révèle une technique de premier ordre. D'ailleurs, Courbet partage cette disgrâce avec de glorieux artistes : Corot, Delacroix, Gigoux voient également se fermer devant eux les portes du Salon.

L'homme à la pipe

L'homme à la pipe

1848 : Un mythe

Si je consacre un paragraphe sur cette période de trouble c'est pour rétablir certaines vérités. Lorsque l’on évoque Gustave Courbet, on l’associe aux grandes luttes politiques qui ont précédé l’avènement de la République, sous-estimant ainsi ses ruptures artistiques. Or, bien que gagné aux idées républicaines, il entend les clameurs de la rue sans s'y mêler. C'est l'époque où la guerre civile se déchaîne dans les rues de la capitale. Il réprouve le meurtre, les pillages et stigmatise dans ses lettres l'assassinat des généraux Regnault et Négrier, ainsi que celui de l'archevêque de Paris. Il écrit à ses parents : « Je n’ai pas foi dans la guerre au fusil et au canon et que ce n’est pas dans mes principes. Voilà dix ans que je fais la guerre de l’intelligence... ».

Enfermé dans son atelier, il produit sans relâche; presque coup sur coup, il peint le Violoncelliste, Jeune fille dormant, le Soir, le Milieu du jour, le Matin, le Portrait de M. Urbain Cuenot. Ces six tableaux, il les présente au Salon de 1848 et, comme pour contredire sa mauvaise opinion sur le régime républicain, le jury les reçoit tous. Son Violoncelliste, notamment, obtient un grand et légitime succès.

Le violoncelliste

Le violoncelliste

1849 – 1855 : Le début de la gloire, des polémiques et du réalisme

Ses relations

Remarqué, il noue une relation d'amitié avec le critique Champfleury et bénéficie désormais d'une reconnaissance publique, confirmée l'année suivante avec l'achat par l'Etat « d'une après-dînée à Ornans » (Lille, musée des Beaux-Arts). La médaille de seconde classe obtenue à cette occasion le dispense désormais de son envoi au jury jusqu'en 1857, année où les règles changent.

Quand il ne travaillait pas, Courbet descendait à la brasserie Andler, fréquentée à cette époque par toute la jeune école artistique et littéraire, ennemie des académies et des classiques. On y maltraitait Racine et Corneille, on y maudissait le classicisme d'Ingres et aussi le romantisme de Delacroix. Courbet connut là Corot, Decamps, Daumier, Français, Vallès, Lorédan Larchey, Murger tous également exaltés, également bruyants, et soulageant leur bile à force d'imprécations. C'est là qu'il se lia avec Baudelaire, amitié qui fut vive mais courte, les sombres rêveries du poète ayant épouvanté le peintre. C'est là encore qu'il rencontra un des hommes qui exerca une influence considérable sur sa vie : Proudhon. D'origine paysanne tous les deux, une affinité de pensées et d'aspirations les rapprochait. Ils avaient une même aversion de l'injustice et de l'inégalité sociale. C'est Proudhon qui va le pousser à faire de la politique.

L'aurore du réalisme et les débuts des scandales

On entre-percevait déjà lors dans certaines œuvres de l'exposition de 1849 un début du réalisme. Les critiques pour ses œuvres furent d'avis différents. Pour certains, c'est l’euphorie pour d'autre c'est l'incompréhension voire le dégoût. Ingres, tout en reconnaissant à l'artiste les dons les plus rares, déplore de les voir s'enliser dans la vulgarité. Mais ces réactions ne sont rien par rapport au déchaînement général qui eu lieu lors de l'exposition de 1850. Les défenseurs enthousiasmes se heurtèrent violemment aux adversaires passionnés.

Il faut dire que Courbet innove. Ses tableaux sont consacrées à la société. Ce sont des représentations fidèle de la vie quotidienne. Toute est vrai dans ses tableaux, d'une vérité cruelle certaine fois, d'une extrême banalité d'autre fois ou d'un encore d'un voyeurisme exacerbé. On lui reproche beaucoup l'aspect trivial de ses tableaux et il se défend : « Oui, M. Peisse, il faut encanailler l'art. Il y a trop longtemps que vous faites de l'art bon genre à la pommade... ». Par ailleurs, nous pouvons dire que sa réputation de peintre politique est indissociable de cette période où ses tableaux à sujet rural et social entrent comme par effraction dans la peinture d'histoire malgré le caractère populaire disgracieux et monumental des êtres représentés.

De 1850 à 1855, ses œuvres entraînèrent souvent des scandales. Cependant Courbet montra sa capacité exceptionnelle à s'installer et à profiter de la polémique. L'étiquette du peintre contestataire, insoumis à l'institution, faisant sa réclame et ses expositions personnelles lui assura l'appui d'hommes qui souhaitaient le changement, et rêvaient d'une autre société. A propos de ce sujet, François Sabatier-Ungher dit : « Monsieur Courbet s'est fait une place dans l'école actuelle française à la manière d'un boulet de canon qui vient se loger dans le mur. ».

Pour illustrer mes dires, je vous présente et explique quelques œuvres emblématiques de cette période.

Les Casseurs de pierre, 1850-51, 165 x 257 cm (œuvre détruite): montre et dénonce la condition de vie de ces hommes contraints à un travail pénible et absurde. Ils représentent selon le peintre: «  L'expression la plus complète de la misère » et pour l'écrivain socialiste Jules Vallès, arrivé à Paris en 1850, un miroir où se reflétait la vie terne et pénible des pauvres. Le projet de Courbet est clair : peindre, ce qu'il voit, tel qu'il le voit, la réalité prise sur le fait. Ces hommes, anonymes, évoquent la condition de travail de tous les casseurs de pierre.

Les Casseurs de pierre, 1850-51, 165 x 257 cm (œuvre détruite): montre et dénonce la condition de vie de ces hommes contraints à un travail pénible et absurde. Ils représentent selon le peintre: «  L'expression la plus complète de la misère » et pour l'écrivain socialiste Jules Vallès, arrivé à Paris en 1850, un miroir où se reflétait la vie terne et pénible des pauvres. Le projet de Courbet est clair : peindre, ce qu'il voit, tel qu'il le voit, la réalité prise sur le fait. Ces hommes, anonymes, évoquent la condition de travail de tous les casseurs de pierre.

Les Paysans de Flagey revenant de la foire, 1850, huile sur toile, 250 x 75 cm,  Musée des Beaux-Arts de Besançon: L'impact des idées socialistes après la révolution de 1848 se sent dans ces oeuvres où Courbet décrit un monde immuable, sérieux, digne. Si le père de l'artiste, maire de Flagey, riche propriétaire terrien, domine légèrement, il n'y a pas de réelle hiérarchie de valeur entre les éléments figurés;  c'est une scène simple, non idéalisée, dépeignant les « moeurs de la campagne », à laquelle il donne une atmosphère à la Rembrandt, par l'utilisation en clair-obscur de la lumière.

Les Paysans de Flagey revenant de la foire, 1850, huile sur toile, 250 x 75 cm, Musée des Beaux-Arts de Besançon: L'impact des idées socialistes après la révolution de 1848 se sent dans ces oeuvres où Courbet décrit un monde immuable, sérieux, digne. Si le père de l'artiste, maire de Flagey, riche propriétaire terrien, domine légèrement, il n'y a pas de réelle hiérarchie de valeur entre les éléments figurés; c'est une scène simple, non idéalisée, dépeignant les « moeurs de la campagne », à laquelle il donne une atmosphère à la Rembrandt, par l'utilisation en clair-obscur de la lumière.

Enterrement à Ornans, 1849-1850,  Huile sur toile, 315 x 668 cm, Paris, Musée d' Orsay. Il remet en cause la hiérarchie des genres qui stipule que l'on doit consacrer de tels formats à des représentations de genre noble : histoire, antiquité… Il s'agit des funérailles d'un défunt demeuré anonyme, peut-être le grand-père du peintre mort l'année précédente ou celui de sa sœur dont il garde le souvenir? La composition est dépourvue de vedette! Dans un lieu reconnaissable, celui du nouveau cimetière d'Ornans depuis 1848. Y sont présentés l'ensemble des autorités civiles, religieuses et judiciaires, la famille du peintre, et toutes les personnes qui ont été volontaires pour y figurer. La beauté, et l'expression s'absentent au profit de la vérité rude que la présentation frontale nous « jette à la figure ». Adieu donc idéaux et romantisme…

Enterrement à Ornans, 1849-1850, Huile sur toile, 315 x 668 cm, Paris, Musée d' Orsay. Il remet en cause la hiérarchie des genres qui stipule que l'on doit consacrer de tels formats à des représentations de genre noble : histoire, antiquité… Il s'agit des funérailles d'un défunt demeuré anonyme, peut-être le grand-père du peintre mort l'année précédente ou celui de sa sœur dont il garde le souvenir? La composition est dépourvue de vedette! Dans un lieu reconnaissable, celui du nouveau cimetière d'Ornans depuis 1848. Y sont présentés l'ensemble des autorités civiles, religieuses et judiciaires, la famille du peintre, et toutes les personnes qui ont été volontaires pour y figurer. La beauté, et l'expression s'absentent au profit de la vérité rude que la présentation frontale nous « jette à la figure ». Adieu donc idéaux et romantisme…

Les Baigneuses, 1853, huile sur toile, 227 x 193 cm, Musée Fabre Incompréhension, raillerie dégoût, l'anatomie du modèle, en rupture avec les canons académiques, est perçue comme une provocation. Tout repousse le spectateur du XIX ème : ce corps lourd, sale, le négligé des attitudes dont on ne comprend pas le sens de la gestuelle, l'intimité indécente qui se respire dans la composition et le jeu des regards, ces nus dans un paysage, abolissant une fois de plus la hiérarchie des genres de par la taille du tableau. Vulgaire, inutile, laide, voici les qualificatifs qu'emploie Delacroix pour en parler. "Ne pas raconter, montrer"

Les Baigneuses, 1853, huile sur toile, 227 x 193 cm, Musée Fabre Incompréhension, raillerie dégoût, l'anatomie du modèle, en rupture avec les canons académiques, est perçue comme une provocation. Tout repousse le spectateur du XIX ème : ce corps lourd, sale, le négligé des attitudes dont on ne comprend pas le sens de la gestuelle, l'intimité indécente qui se respire dans la composition et le jeu des regards, ces nus dans un paysage, abolissant une fois de plus la hiérarchie des genres de par la taille du tableau. Vulgaire, inutile, laide, voici les qualificatifs qu'emploie Delacroix pour en parler. "Ne pas raconter, montrer"

1856-1870 : La gloire mais encore quelques polémiques

Les commandes affluent, les premières scènes de chasse, paysages et tableaux de fleurs. L'artiste sulfureux attire de nouveau le scandale en 1863 avec « Le retour de la conférence » (disparue) montrant des ecclésiastiques éméchés sur une route de campagne, le tableau est d'ailleurs refusé au Salon de 1863 pour cause d'outrage à la morale religieuse et même l'entrée au Salon des Refusés lui est interdit. L'année suivante, une autre toile est refusée pour indécence au « Salon Vénus et Psyché » (oeuvre disparue). Pendant cette période Gustave Courbet peint son tableau le plus provocant et le plus connu de nos jours qui a connu un parcourt rocambolesque (voir petits suppléments), « L'Origine du Monde » (1866), commande privée de Khalil-Bey qui demeure longtemps inconnue du public et que Courbet vends 20 000 francs.

Lors de l'Exposition universelle qui se tient à Paris en 1867, Courbet expose neuf toiles au Salon. Cette reconnaissance ne l'empêche cependant pas d'organiser à nouveau une exposition personnelle dans un bâtiment construit place de l'Alma. Le public peut y admirer environ 140 de ses toiles. Au cours de l'été 1869, Courbet séjourne à Etretat, il y réalise notamment « La mer orageuse » et « La falaise d'Etretat après l'orage ». Au Salon de 1870, ces deux toiles sont accueillies par un concert de louanges. La réputation de Courbet est désormais solidement établie.

« La mer orageuse » et « La falaise d'Etretat après l'orage ».« La mer orageuse » et « La falaise d'Etretat après l'orage ».

« La mer orageuse » et « La falaise d'Etretat après l'orage ».

La commune : l'affaire de la colonne Vendôme et sa perte.

En 1870, l'Allemagne attaque la France et l'empereur Napoléon III est emprisonné. Le 4 septembre, le peuple déclare la fin de l'Empire et proclame la République qui tente en vain de résister à l'ennemi. Fin janvier 1871, Bismarck célèbre son triomphe et la naissance de l'Empire germanique avec Guillaume Ier de Prusse.

Cependant, Paris refuse de se soumettre au conditions fixées par l'Allemagne. Le 18 mars marque le début de l'insurrection populaire appelée « Commune de Paris ». Socialiste convaincu et sans doute en souvenir de son grand-père révolutionnaire, Courbet prend part à ce mouvement mais ne participe donc pas aux combats. Il est élu délégué de la commune du VIième arrondissement.

Il écrit alors à sa mère : « Me voici, par le Peuple de Paris, introduit dans les affaires politiques jusqu'au cou. Président de la Fédération des artistes, membre de la Commune, délégué à la mairie, délégué à l'Instruction publique : quatre fonctions les plus importantes de paris. Je me lève, je déjeune, je siège et préside douze heures par jour. Je commence à avoir la tête comme une pomme cuite. Malgré tout ce tourment de tête et de compréhension d'affaires auxquelles je n'étais pas habitué, je suis dans l'enchantement ».

Aidé par les allemands, la commune est vaincue fin mai et Courbet est arrêté par les versaillais le 7 juin, le peintre est condamné en septembre à 6 mois. Mais cela n'est qu'un début car deux ans plus tard s'ouvre un deuxième procès qui va entraîner sa perte. La démolition de la colonne Vendôme érigée par Napoléon Ier, devenue le symbole du Premier et du Second Empire avait été votée par la Commune le 12 avril 1871. Soit, quatre jours avant l'élection de Courbet. Mais l'artiste avait eu l'imprudence de lancer en septembre 1870 une pétition dans laquelle il réclamait au gouvernement de la Défense nationale de bien vouloir l'autoriser à "déboulonner" la colonne pour la déplacer aux invalides. En 1873, à la suite d'un nouveau procès, Courbet est jugé responsable. On le condamne à rembourser les frais de reconstruction de la colonne s'élevant à 323 091 francs. Courbet perd une grande partie de sa fortune et part s'installer en Suisse de peur d'être à nouveau emprisonné.

La nouvelle république a donc condamné un innocent, victime d'une campagne calomnieuse, pour la destruction d'une œuvre symbolisant l'empire.

Durant son exil, l’État saisit ses biens, surveille ses amis et sa famille. L'instabilité politique des premières années de la IIIe République n'est guère favorable aux anciens communards. Courbet refuse de revenir en France avant le vote d'une loi d'amnistie générale. Malgré l'accueil bienveillant qu'il reçoit en Suisse, Courbet sombre dans cet exil. Il se perd dans l'alcool, ne produit plus que très rarement des oeuvres dignes de son talent. Les problèmes d'argent et les procédures à mener deviennent une obsession. Il meurt le 31 décembre 1877 à la Tour-de-Peilz. Sa dépouille a été transférée à Ornans en 1919.

Campagne calomnieuse et démolition de la colonne VendômeCampagne calomnieuse et démolition de la colonne Vendôme

Campagne calomnieuse et démolition de la colonne Vendôme

Une réhabilitation en douceur

Durant toute sa vie et jusqu’à sa mort en 1915, Juliette, sa sœur, va chercher à réhabiliter la mémoire de son frère. Cela sera très long. L’accession de Jules Grévy, franc-comtois, à la présidence de la République en 1879, favorise la réhabilitation de Courbet. Les poursuites de l’administration fiscale à l’encontre de la famille de l’artiste sont abandonnées.

Cependant, la municipalité et de l’Église d’Ornans s'oppose au transfert du corps de Gustave Courbet en 1919. Ce transfert aura tout de même lieu. Il faudra attendre mai 1929, pour que le Grand Palais rend enfin hommage au peintre. Une rétrospective d’une quarantaine d’œuvres, caricatures, sculptures, sont réunies grâce au commissaire d’exposition Camille Gronkowski.

Tombeau de Courbet à Oranans

Tombeau de Courbet à Oranans

Petits suppléments :

1 - Parcourt découverte et musée : Si vous passez dans le Doubs, je vous conseille d'aller musée d’Ornans et de réaliser les sept petite randonnées valorisant les sites parcouru et peint par Courbet.

2 - Le parcourt de "l'origine du monde"

3 - L'origine du monde censurée sur Facebook !

Lorsque Gustave Courbet a peint son tableau « L’origine du monde » en 1866, il ne s’imaginait certainement pas qu’il allait peut-être mettre à mal la politique de Facebook 150 ans plus tard. Pourtant, ce tableau pourrait signer un tournant la politique de confidentialité de Facebook.

Un instituteur place sur son profil une photo du tableau de Courbet. Facebook a suspendu immédiatement son compte pour publication d’image pornographique. Le réseau social interdit en effet toute image dite NSFW. Placez un bout de téton sur votre mur et vous subirez le courroux de Mark Zuckerberg. Mais voilà, Facebook ne fait pas la différence entre porno et art.

Pour protester un réalisateur français a fait la même chose. Les mêmes causes ont entraîné les même effets.

L'instituteur a porté plainte et contrairement à ce que Facebook imaginait, le tribunal de grande instance de Paris s'est déclaré compétent pour juger cette affaire. A suivre…

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